Le Philly Sound

A Philadelphie, dans l’histoire on connaît le quartier historique, la Liberty Bell, la déclaration d’indépendance et Benjamin Franklin.
Mais la cité de l’amour fraternel est également le théâtre d’un bon paquet de films américains, de Philadelphia avec Tom Hanks (le nom du film ne s’invente pas) à la saga Rocky avec Sylvester Stallone.
Niveau sportif, la ville est également une référence avec une équipe présente dans chacune des 5 ligues majeures US : les 76ers en NBA, les Eagles en NHL, les Phillies en MLB, les Flyers en NHL et le Union en MLS, pas mal non ?
Vous l’avez compris, la ville est une pointure dans tous les secteurs qui pèsent au pays de l’Oncle Sam. De la culture underground de South Street jusqu’aux cheese steaks de chez Jim, la première capitale de l’histoire des Etats-Unis représente un lieu mythique de la sphère socioculturelle des States.
L’aura qui émane de Philly est folle et même si la cité de Pennsylvanie attire moins les touristes que ses cousines de New York ou de Los Angeles, arpenter ses rues permet de s’imprégner d’une Amérique authentique, moins surfaite et bien plus représentative de ce que représentent les US.

Alors s’il y aurait énormément de choses à dire sur cette métropole de près de 2 millions d’habitants, aujourd’hui, nous allons nous intéresser en profondeur aux origines de l’aspect musical qui émane de Philadelphie.
Si en notre temps, les Roots et leur aspect funky sonnent comme la référence d’un hip-hop de virtuoses, très apprécié des mélomanes, le Philadelphia Sound fut reconnu bien avant Questlove (le batteur et fondateur des Roots), bien avant Jedi Mind Tricks, bien avant Army of the Pharahos ou même DJ Jazzy Jeff (l’acolyte de Will Smith dans le prince de Bel-Air) qui tous, eurent également une vraie influence sur le hip-hop mondial.

Philadelphia Sound

Et oui, à la fin des années 60, la soul de Philadelphie envahit toute la ville, tout le pays et dépasse même les frontières américaines. Et ne pensez pas que c’est parce que vous connaissez la soul, que vous connaissez le Philly Sound, tant il fut novateur, précurseur et détenait des sonorités bien particulières. Avec ses touches de funk, ses basses groovy mais aussi son utilisation de claviers et de guitares électriques, Philadelphie vit naître un genre jamais pratiqué auparavant qui aujourd’hui existe évidemment dans l’héritage de la musique de la côte Est, mais aussi plus globalement dans tout le R’n’B (R&B) mondial. 

Mais revenons aux années 70, cette époque où toute la ville était bercée par le TSOP (The Sound of Philadelphia) si singulier, mais aussi si représentatif de l’ambiance de la cité du Brotherly Love. Ce Philly Sound avec ses beats hyper rythmés, ses guitares psychédéliques et ses voix de velours a permis à un paquet de groupes underground de se faire un nom. Entre autres, Billy Paul, Harold Melvin & the Blue Notes, MFSB, The O’Jays, The Delfonics ou encore The Soul Survivors. Il faut aussi mentionner l’excellent label « Gamble et Huff« , symbole du style Philadelphia Soul.

Ayant suivi la hype de la Motown qui dans les sixties commençait à être dépassée, tous ces artistes ont profité du génie des producteurs et des labels de Philly (Bobby Martin, Thom Bell ou Norman Harris) pour créer leur style signature à la croisée des chemins entre le funk, le disco et la soul.
Dans l’histoire de la musique américaine, la transition entre l’acoustique, le vocal puis l’électronique et les beats est définitivement passée par Philadelphie, à tel point que dans les années 70, la ville de Pennsylvanie était devenue the place to be pour permettre aux artistes en vogue de percer.
Les studios étaient équipés d’instruments et d’effets que personne d’autre ne possédait et surtout, les producteurs, impliqués à 100% dans leurs projets et leurs idées savaient tous apporter leur patte tellement groovy si caractéristique du Philly Sound.

Dans le Sud de la ville, les studios de productions pullulaient et beaucoup de personnalités étaient prêtes à parcourir pas mal de kilomètres pour profiter des talents des zikos présents à Philadelphie. Pour info, David Bowie en 1974 est venu enregistrer son album Young Americans dans la cité de l’amour fraternel au sein des studios Sigma Sound (ceux de MFSB). Les influences marquées dans les sonorités de ce 8 titres qui vit naître le personnage de Ziggy Stardust sont complètement imprégnées des sonorités de la Philly Soul. C’est ce qui en fait un album aussi original que légendaire.

Ceci dit, décrire de la musique avec des mots c’est bien, mais la musique est un plaisir qui se découvre avant toute chose avec les oreilles. Voici donc quelques chansons à ajouter à votre playlist Spotify pour vous réveiller un dimanche matin dans l’ambiance seventies de South Street.

Notre playlist « les Seventies à Philadelphie« 

(1963) The Orlons – South Street

Rarement les Orlons sont évoqués lorsque l’on parle du Philly Sound. Pourtant, s’il faut trouver un groupe précurseur, c’est bien eux. Bien sûr, la musique qu’ils proposaient au début des années 60 était bien plus proche de la soul que du disco, mais il est important de noter qu’ils furent à l’origine de la création de plusieurs studios dans le sud de la ville, tous fréquentés par des musiciens issus de la culture afro-américaine. Ainsi, ils montèrent un collectif avec d’autres groupes comme The Rays ou The Dovells pour échanger quotidiennement et partager leurs idées musicales. Soyons-en conscients : cette époque représente le point de départ du Philly Sound de South Street, rue mythique et hyper représentative de la culture underground de la ville. Justement, c’est à cette rue que la chanson des Orlons du même nom rend hommage.

(1968) – The Delfonics – Ready or Not (here I come)

Les Delfonics, groupe produit par le légendaire Thom Bell (et son studio Philly Groove Records) a réalisé l’une des chansons phares du TSOP. Si aujourd’hui, beaucoup connaissent la version de Lauryn Hill (qui dans sa carrière aura majoritairement fait des reprises), celle des Delfonics est bel et bien l’originale. Un régal, mais aussi un grand, grand classique du Philly Sound.

(1972) Billy Paul – Me and Mrs Jones

Vous voulez du classique, du son légendaire, en voilà un ! Qui ne connaît pas ce single de Billy Paul ayant trusté pendant plusieurs mois le top des Billboards aux USA ? Extraite de l’album War of the Dogs qui en plus des influences électroniques et funky de Philly détenait un côté complètement psychédélique, cette track représente l’essence mainstream du Philly Sound. Elle raconte les rencontres interdites entre deux amants, tous les jours, au même café de Philly.

(1974) David Bowie – Young Americans

Pour la première fois, un chanteur de couleur blanche se testait dans le Philly Sound. Entouré des musiciens et producteurs les plus illustres de Philadelphie (tous afro-américains), l’anglais toujours ouvert à de nouveaux horizons se lança dans l’expérience pour son premier album enregistré intégralement aux Etats-Unis. Ce fut un succès avec un 8 titres apparaissant dans le top 10 des ventes aux USA et au Royaume-Uni. Pour le magazine référence Rolling Stones, la chanson Young Americans fait partie des 500 meilleures tracks de tous les temps. Elle a été reprise par The Cure dans les années 90 et fut utilisée dans plusieurs bandes originales de films (Dogville, Manderlay…).

(1974) MFSB – TSOP

MFSB s’il est un groupe légendaire de la Philly Sound n’est pas un groupe précurseur. Alors que la plupart de ses membres étaient à l’origine de purs Soulmen, ils décidèrent finalement de surfer sur la vague extraordinaire que représentait le Philly Sound en cette époque. C’est ainsi qu’ils intégrèrent le Sigma Sound Studio pour sortir TSOP. La track est devenu instantanément un tube, utilisée dans de nombreuses émissions télévisées. Chaque semaine dans l’émission Soul Train, vous pouviez voir les danseurs se déhancher sur le son de MFSB. Notons pour être complets, que ce hit très groovy, représenta un peu la fin du Philly Sound pour marquer le début de l’ère du disco et du funk qui eux se développèrent majoritairement à New York. Si Philadelphie disposait de tous les studios nécessaires pour s’accrocher à cette nouvelle tendance, les producteurs refusèrent de la suivre, affirmant que rien ne pourrait dépasser les influences soul marquées dans la musique signature de leur ville. Et même si pour le coup, ils se sont plantés, on peut comprendre qu’ils tenaient à leurs origines.

Autres chansons mythiques du Philly Sound à ajouter à votre playlist :

  • (1967) Soul Survivor – Expressway (to your heart)
  • (1972) The O’Jays – Back Stabbers
  • (1972) Harold Melvin & the Blue Notes – If you don’t know me by now
  • (1974) The Stylistics – You make me feel brand new
  • (1975) The Trammps – Hold back the night

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